Camins de lengas, camins de vidas

Pendent los estagis, rencontram mai qu’una classa, sa regenta e sos biaisses. Avèm encontrat Avin e Fatima a la Calandreta d’Albi. Totas doas an la cinquantena. Son totas doas curdas, l’una d’Iraq l’autra de Siria. Trabalhan a l’escòla coma ajudas en classa e sul temps peri-escolar e lor origina comuna nos interpèla e fa resson a l’article de nòstre camarada Matiàs Buzy. Cossí son arribadas aquí ? De qué es lor viscut cap a la lenga curda ? E la plaça d’aquesta lenga dins lors paísses ? Alèra lor avèm demandat, e vos prepausam aquí de descobrir la primièra partida de l’entreten qu’acceptan de partejar.

Lo dimars 11 de febrièr de 2025 – Calandreta d’Albi

Cossí èra l’escòla per vautras ? Quina lenga se i parlava ? E a l’ostal ?

– Avin : C’était la langue arabe parce qu’on était dans un pays arabe. On n’a pas le droit d’ouvrir une école kurde, mais on a juste le droit d’avoir un livre kurde simple. A la maison, c’était la langue maternelle, kurde. Mais que à la maison.

-Fatima : A l’école, ce n’était que la langue arabe, et à la maison le kurde. Chez nous c’était la même chose.

-Avin :Tous les cours étaient en arabe, maths, sciences, géographie, histoire etc … on nous parlait en arabe et il fallait répondre en arabe.

E dins aquel libre en curd ?

-Avin : Il y avait l’alphabet kurde, pour écrire et lire.

-Fatima : Comme le CP. Mais chez nous il n’y avait pas ce livre en Syrie. Je ne connais pas l’alphabet kurde, je ne sais pas l’écrire malheureusement.

-Avin : Les Kurdes irakiens, ils ont ça, mais les Kurdes de Turquie, de Syrie, non, il n’ont même pas le droit de parler le kurde.

-Fatima : Donc on a appris la langue arabe pendant la période scolaire, et quand on était à l’université, à l’Institut de formation des maîtres, le gouvernement a décidé que ceux qui parlaient kurde n’avaient pas le droit de rentrer dans cet institut. Il faut parler arabe. Beaucoup ont dû partir parce qu’ils parlaient kurde entre eux. Par exemple, « Fatima tu parles kurde, dégage, dégage. »

-Avin : Chez nous c’était pas comme ça, on parlait entre nous.

-Fatima : Chez nous, c’est plus dur. Mais on a des amis, des collègues arabes qui sont gentils, on discute, on est comme une famille, mais c’est le gouvernement. C’est pas les gens, c’est pas le peuple, c’est à cause d’eux, c’est le gouvernement. J’ai encore une amie, on est en contact sur whatsapp, elle habite à Alep, on est comme des sœurs. C’est pas « ah, parce que toi tu es Arabe, je te parle pas ». Il y a des Arabes qui ont bon caractère, et des Kurdes qui ont mauvais caractère par exemple.

– Alèra vosautras, avètz puslèu d’experiéncias bonas amb la comunautat qu’es pas curda del país ?

– Fatima : Oui, oui oui oui personnellement oui.

– Avin : Juste, les gens qui travaillent avec le gouvernement, c’est pas la police, mais les services secrets, dénoncent les gens, des hommes, des femmes, qui n’ont rien fait. Juste, tu as dit quelque chose sur le président – « Il a fait ça qui n’était pas bien, il n’est pas juste » – et ils te dénoncent, tu vas en prison. Il y en a qui meurent, qui sont torturés, il y en a qui restent là-bas toute la vie, qui restent des années et qui sortent … chacun a sa chance, c’est comme ça, tu sais pas. C’est pour ça que tous les gens vivaient dans la peur. On ne peut pas parler de ça, même les filles, ils ont violé les filles. En 1990, quand les peshmerga* sont descendus au Kurdistan après la guerre du Koweït, tous les responsables irakiens se sont échappés. Et beaucoup de femmes qui étaient en prison à cette époque ont des enfants et ne savent pas qui est le père. C’était comme ça.

La repression contra los Curdes èra importanta quitament foguesse autorizat parlar la lenga a l’escòla ?

– Oui oui, même on n’avait pas le droit de manifester non plus.

– E, los Curdes en Siria o en Iraq capitan de faire viure lor cultura ça que lai ?

– Oui il y en a oui, des chanteuses et chanteurs qu’on entend pendant les soirées de mariage, d’anniversaire. Maintenant ils sont partout en Europe.

– En arribar a Albi, vos sètz avisadas que se parlavan mai d’una lenga, entre elas l’occitan ?

-Avin : Moi je savais pas qu’il existait d’autres langues parlées.

-Fatima : Moi j’ai entendu parler la langue occitane dans cette école, mais je ne l’avais pas entendue avant. J’étais inquiète de ne pas parler la langue, de ne pas la comprendre mais ici, toute l’équipe de cette école est accueillante, c’est comme une famille.

– Nos podriàtz parlar dels ponches comuns e de las diferéncias de l’escòla chas vautras e aquí ?

-Fatima : Ahhh c’est très très différent. Parfois, je pleure toute seule. Je me dis « Les enfants, ils n’ont rien fait, et ils n’ont rien. » (elle pleure de rage) Ils sont 40, 45 par classe. Il faut faire les programmes rapidement, tant pis s’ils ne comprennent pas. Ils n’ont rien, rien, et malgré tout ça, ils sont gentils, respectueux, travaillent bien. J’ai commencé (à enseigner) en CP et jusqu’au collège. Mes élèves sont maintenant docteurs, professeurs, en Allemagne, en Suisse … Franchement c’est très différent. 500 élèves pour 4 enseignants. C’est normal ça ? La poubelle, il y en avait une, c’était à moi de l’acheter. Les toilettes… très très dur. Quand je regarde ici, il y a la cuisine, la salle de sieste, des jouets… Chez nous il n’y a rien. Mon frère est décédé en janvier 2024. Il a deux garçons de 9 ans et 10 ans. Ils me disent « Tatie, quand on viendra en France, est-ce qu’il y aura des jouets ? Et l’école sera la même que la nôtre? On a entendu dire que les écoles de France sont bien mieux que les nôtres ! » Ils sont intelligents. Je leur ai dit : « Oui, ne vous inquiétez pas, quand vous viendrez, nous pourrons jouer, acheter beaucoup de choses, profiter !  » C’est dur.

-Aviam una darrièra question a prepaus de la transmission. Tu, Avin, parlas curd amb tos enfants ?

-Avin: Oui à la maison, nous parlons uniquement kurde. Les trois parlent kurde couramment.

Son totjorn estats bilingües curd/francés ?

-Avin: Oui, c’est très important. Parfois, nous retournons au Kurdistan pour voir la famille. Comment pourraient-ils parler avec la famille sinon ? Là-bas personne ne parle français. Il faut parler kurde, c’est très important.

-Fatima: Malheureusement, les enfants de ma sœur qui sont nés ici, comprennent très bien le kurde mais ne répondent qu’en français. Ils disent qu’ils n’ont pas besoin du kurde. Je leur dis que si pour aller voir la famille installée en Allemagne. Ils me répondent que comme ils sont capables de tout comprendre, le moment venu, ils pourront aussi parler.

-Coma aquí en mairala, los calandrons parlan en francés mas pauc a cha pauc comprenon tot en occitan.

-Fatima: C’est aussi le travail des parents. Il faut parler kurde à la maison. C’est de leur faute aussi, quand ils répondent en français. Bon parfois ça peut nous aider, nous, à mieux parler français!

-Avin: Oui, parfois chez moi c’est le contraire c’est moi qui leur demande de parler français, mais ils ne veulent pas.

-E entre vautras, quina lenga parlatz ?

Les deux éclatent de rire…

-Français !

-Avin: Parce que je ne comprends pas son kurde et elle ne comprend pas le mien!

*https://www.monde-diplomatique.fr/mav/169/A/61254

La seguida dins un article que ven …

Naïg BONDON, Delfina BRUEL e la còla


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