Camins de lengas, camins de vidas 2

A la seguida de l’article precedent, tornam trapar Avin e Fatima. Trabalhan a la Calandreta e foguèron las nòstras collègas lo temps d’un estagi. Son totas doas Curdas. Avin ven d’Iraq e demòra a Albi dempuèi 20 ans, e Fatima ven de Siria e es arribada i a 5 ans. Imaginam qu’avètz enveja de ne saupre mai sus lor percors.

-Fatima: Sa langue est plus vraie que la nôtre. En Irak, ils ont bénéficié d’enseignement du kurde. Alors que nous, on n’a pas gardé la langue. Elle s’est mélangée: un mot d’arabe, un mot de turc…

Je suis arrivée à la Calandreta d’Albi en septembre 2024, il y a environ 6 mois. Je suis nouvelle. J’ai été animatrice dans une école publique pendant plusieurs années, puis j’ai voulu suivre un CAP Petite enfance mais ma demande de formation a toujours été refusée par France Travail. La dernière fois, ils ont validé l’entrée en formation de deux personnes qui n’avaient aucune expérience à l’école. J’étais très en colère. En réalité, j’ai 5 ans d’expérience ici, et 20 ans d’expérience comme enseignante et directrice d’école dans mon pays.

-Avin: Je suis arrivée à la Calandreta d’Albi il y a deux ans. Je travaillais avec l’association Regain Action, qui trie des vêtements et travaille à l’insertion des personnes réfugiées. Je cherchais à travailler dans une cantine, j’ai démarché plusieurs écoles d’Albi et j’ai été embauchée à la Calandreta.

Cossí sètz vengudas Albigesas ?

-Avin : Je vivais en Irak. A cette époque, celui qui est devenu mon beau-frère était un important responsable peshmerga*. Les peshmerga combattaient les autorités irakiennes, qui réprimaient violemment la population kurde, principale minorité de l’État irakien. Son engagement politique l’oblige à s’exiler dans un camp en Turquie avec sa famille. En 1990, Danielle Mitterand décide d’accueillir en France 1000 réfugiés. Mon beau-frère arrive alors en France, son frère le rejoint clandestinement, obtient l’asile politique et retourne au Kurdistan (qui a obtenu une zone autonome) pour notre mariage. On était amis, on s’était rencontrés à la Direction générale de l’Éducation où nous travaillions tous les deux.

-Fatima: Tu es arrivée en France directement à Albi!

-Avin: Oui, je vis à Albi depuis une vingtaine d’années, et mes enfants y sont nés.

-Fatima: Et tu ne veux pas changer?

-Avin: Non jamais. J’aime trop Albi.

-Fatima: Moi je suis en France depuis 2015, à cause la guerre en Syrie. J’ai une sœur qui vit à Toulouse depuis 20 ans, et un frère qui est arrivé un an avant moi, qui a fui la guerre aussi. Je suis restée chez ma soeur et mon frère pendant cinq mois. J’allais tous les 15 jours à l’OFII (Office Français de l’immigration et de l’intégration) pour leur demander l’attribution d’un logement. Mon frère et ma soeur me disaient « Mais reste avec nous, ils peuvent t’envoyer loin d’ici « , je leur disais « Non, ce n’est pas grave, j’ai envie d’habiter seule, d’être indépendante pour commencer ma nouvelle vie ». J’ai été envoyée à Albi, en 2016.

– E doncas, viatgères soleta…

-Fatima: Oui, entre Toulouse et Albi c’est facile…

-Mas de Siria cap a França…

-Fatima: Oui je suis venue en bateau, toute seule mais avec beaucoup de gens, de familles avec des enfants et des femmes seules. Si on me donnait un million d’euros pour refaire le voyage je dirais non parce que c’était très dangereux. Je ne sais pas nager. Le bateau ne pouvait contenir que 25 personnes, et nous étions 45, sans les enfants.

-Avin: Oui ils font ça pour l’argent. Il y a beaucoup de familles qui sont mortes, des Kurdes irakiens… Beaucoup de familles sont venues par ce chemin, en bateau. Beaucoup de familles sont mortes… avec les enfants…

-Fatima: On dormait la nuit dans la forêt. On attendait le bateau. Ils nous ont dit « Le bateau est trop petit, tout le monde ne pourra pas monter, vous devrez attendre quelques jours de plus » mais personne n’a accepté, parce que ça faisait déjà 3 jours que nous étions dans la forêt. Alors on s’est dit « Advienne que pourra, il faut qu’on parte ». C’était très dangereux.

-Nous: Heureusement, vous êtes là.

Plan segur, la discutida nos menèt al delà de la sola vida professionala. Nos projectèt dins la violéncia del mond e la dificultat de n’en far un endreit pas sonque vivable mas desirable per totes e totas. Al moment de partir, que lor jornada èra acabada, se son presas dins los brasses coma per partejar, dins un gèste tendre las fòrças necitas per daissar darrièr lo mai dur e bastir quicòm de novèl e de polit.

Aqueste entreten foguèt plan fòrt per nautras. Nos faguèt soscar a las relacions interpersonalas al trabalh e a l’importància de prene lo temps de se conéisser.

Dedicam aqueste entreten a las personas que, coma Fatima son forçadas de s’escampar dins lo viatge inimaginable de la cèrca d’una vida melhora.

*https://www.monde-diplomatique.fr/mav/169/A/61254

illustracion: Issa Watanabe, Migrants, La Joie de lire

Naïg BONDON, Delfina BRUEL e la còla


Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *